Pilotage & KPI

Projet WMS : comment maîtriser les défis stratégiques en amont et post-déploiement

Pourquoi certains projets WMS techniquement réussis peinent-ils à convaincre deux ans après le déploiement ? Le paradoxe est là. Nous maîtrisons la technique, mais nous ratons l’essentiel. Un projet WMS réussi ne se joue pas uniquement pendant l’implémentation. Les vrais leviers de performance se cachent dans les 18 mois qui précèdent la signature et dans les 24 mois qui suivent le go-live.

Trop d’entreprises concentrent leurs efforts sur la partie technique. Sauf que les différenciateurs sont en amont et en aval : un cadrage stratégique solide, un alignement IT–Métiers–Sales, une gestion du changement maîtrisée et un pilotage post-projet structuré.

Cet article ne détaille pas les étapes projet classiques. Il apporte toute une série de bonnes pratiques et conseils sur des zones souvent négligées, mais déterminantes pour transformer votre WMS en levier durable de performance.

1. Les défis classiques d’une implémentation WMS

Résistance au changement et faible adoption utilisateur

Il arrive fréquemment que les utilisateurs d’un nouveau WMS découvrent la solution une fois celle-ci en production.

Auparavant, ils n’ont jamais vu une interface et n’ont aucune idée de ce que cet outil va apporter et changer au quotidien.

Ce schéma génère naturellement résistance et sentiment de subir. Il peut être un vrai frein à la productivité au démarrage. Le logiciel peut être parfaitement paramétré, si les équipes ne l’adoptent pas, les résultats ne suivront pas.

Le changement suit une dynamique progressive. Les équipes passent d’un deuil de l’ancien système à une acceptation du nouveau.

Conseil : communiquer autant que possible car il n’est pas toujours évident d’impliquer tous les utilisateurs. Il faut partager régulièrement l’avancement du projet. Ne surtout pas hésiter à pousser les key users à diffuser de l’information. Ils sont le relai opérationnel du terrain vers le projet mais aussi l’inverse.

Intégration technique du WMS dans le SI

L’intégration entre ERP et WMS est une question récurrente en avant-vente.

Les logiques d’échange ne sont pas toujours définies dès le départ et émergent parfois en phase de recette, avec à la clé des retards, des surcoûts et des compromis techniques.

Les architectures IT se complexifient. Les flux ne concernent plus uniquement l’ERP et le WMS, mais plusieurs systèmes tiers. Déclenchement des commandes, synchronisation des stocks, gestion des statuts… chaque outil a ses contraintes. Si les flux ne sont pas cadrés tôt, l’ensemble du SI peut en pâtir.

Bonne pratique : disposer d’une cartographie des systèmes impactés, même simplifiée. Un WMS best-of-breed sait s’adapter à des environnements variés, à condition que le périmètre d’intégration soit clair.

Le recours à un middleware devient aussi une bonne pratique. Il facilite les échanges, applique les règles de gestion et traduit entre systèmes. Cela fiabilise l’intégration et sécurise le projet sur le long terme.

Manque de ressources dédiées au projet

Beaucoup d’entreprises lancent leur projet WMS sans libérer véritablement les ressources.

Logique, il faut faire tourner l’entrepôt. Les opérations du quotidien passent en priorité.

Mais cette priorité génère un cercle vicieux. Les key users sont sollicités entre deux urgences. Les ateliers ne sont pas efficaces. Les validations sont superficielles ou partielles et les ateliers vont durer plus longtemps.

Un projet WMS demande du temps. Pas seulement côté éditeur, mais aussi côté client. Il faut des équipes dégagées de leurs tâches opérationnelles, disponibles pour tester, documenter, décider. Ce temps pour le projet doit être vu en tant qu’investissement.

Bonne pratique : planifier la disponibilité des équipes projet dès le cadrage, avec un engagement formalisé de temps et de responsabilités.

Mauvaise préparation des données opérationnelles

La recette révèle souvent ce qui aurait dû être anticipé notamment sur les données incomplètes, obsolètes ou erronées. Ces problèmes transforment une phase de validation en véritable course contre la montre.

Quelques signaux d’alerte d’une préparation insuffisante :

  • Données incomplètes : caractéristiques produits manquantes, clients fantômes, grilles transports obsolètes ;
  • Flux métier non modélisés : processus spécifiques oubliés, exceptions non documentées ;
  • Documentation insuffisante : règles de gestion orales, procédures dispersées ;
  • Jeux de tests incomplets : cas d’usage réels non représentés, volumes sous-estimés.

Voici un scénario illustré d’un client Reflex. Un flux retailer entier n’avait pas été modélisé en amont. Lors du démarrage, il a fallu réintégrer en urgence ce flux dans le WMS, reparamétrer plusieurs interfaces et revoir les jeux de tests.

La maturité technique du WMS a permis de rattraper la situation.

Bonne pratique : fiabiliser les données et documenter les flux réels avant toute phase de conception. Cette étape, souvent perçue comme une perte de temps, évite des semaines de correction en urgence et préserve la confiance des équipes dans le nouveau système.

2. Défis stratégiques en phase amont

Expression initiale des besoins au fil de l’eau

Les besoins ne sont pas toujours cadrés dès le départ. Ils évoluent au fil de l’eau, changent selon les interlocuteurs, ou se contredisent en fonction des priorités.

C’est le terreau parfait pour des allers-retours coûteux, des délais qui glissent, et une perte de motivation des équipes.

Parfois, le projet est même suspendu ou abandonné.

Plus le cadre est anticipé plus les ajustements en cours de conception seront aisés à intégrer.

Bonne pratique : se focaliser sur le besoin plutôt que le moyen afin de trouver l’équilibre entre les fonctionnalités standards de la solution et les exigences opérationnels. Organiser des ateliers en interne avant toute consultation externe.

« On attend parfois un ERP, alors qu’un WMS peut être déployé en 8 mois en moyenne. En le priorisant, on gagne du temps, on limite l’impact sur les autres services… et on produit déjà du résultat. » ajoute Florian.

Alignement IT–Métiers–Sales au-delà du fonctionnel

Voici un scénario classique, l’IT valide l’architecture, les Ops valident les flux et 6 mois après le go-live, les commerciaux découvrent que le copacking n’est pas géré. Un module supplémentaire sera nécessaire sans compter le manque à gagner côté commerce.

En général, chaque équipe avance avec ses propres horizons temporels. Les commerciaux pensent nouveaux services et volumes sur 6 à 18 mois. L’IT se projette sur 10 à 15 ans avec des exigences de sécurité et d’évolutivité. Les métiers veulent un outil fluide et fiable dès le premier jour d’utilisation.

L’erreur classique consiste à aligner IT et métiers en oubliant la dimension commerciale. Des besoins émergent alors en cours de route sans avoir été anticipés techniquement.

Bonne pratique : coconstruire le projet à « 3 têtes » dès le cadrage avec une vision partagée sur 3 ans. Cela implique de cartographier les services futurs, de prioriser les investissements, puis de valider les compromis sur ce qu’on accepte de reporter. Les points de synchronisation sont également importants.

La solution moins mature pour commencer « petit » ?

Démarrer avec une solution WMS volontairement simple peut sembler logique. Mais cette approche peut conduire à un second projet dans 3 à 5 ans avec des montants importants : 200, 300k€ voire plus selon la dimension projet.

C’est particulièrement vrai chez les 3PLs, qui ont besoin de flexibilité et de paramétrages avancés dès le démarrage. Mieux vaut investir dans la maturité du WMS dès le départ.

Le risque de choisir un WMS non mature est de devoir faire des petites évolutions spécifiques revenant à un budget important en cumulé. L’ensemble de petites évolutions génèrent des coûts, des risques de maintenance et un sentiment de dépendance avec sa solution

Bonne pratique : choisir une solution mature dès le départ, même pour un usage simple, permet d’accompagner l’évolution sans refaire un projet.

3. Défis stratégiques post-déploiement

Disposer des bons indicateurs post-projet

Mesurer les prélèvements à l’heure ou le taux d’erreur sont utiles mais peuvent ne pas suffire.

Certains indicateurs logistiques stratégiques sont souvent oubliés.

Capacité à tenir 10 ou 15 ans, fidélité des opérateurs, autonomie IT, évolutivité, qualité de la donnée… Tous jouent un rôle dans le ROI global du WMS et le contexte concurrentiel.

Une entreprise peut améliorer la rétention de ses opérateurs simplement grâce à une meilleure ergonomie. Moins de turnover, moins de recrutements, plus de stabilité.

Les indicateurs doivent être globaux. Une optimisation globale ne se résume pas à l’addition d’optimisations locales. Il faut une vision d’ensemble.

Méthode d’évaluation recommandée : considérer indicateurs projet, gains opérationnels, et bénéfices “soft”.

Bonne pratique : définir dès le cadrage une méthode d’évaluation 360, centrée sur le ROI, en combinant indicateurs projet, gains opérationnels, sécurité et bénéfices “soft” tel que le confort des opérateurs.

Adopter une démarche d’amélioration continue

Une fois le WMS en production, beaucoup considèrent le projet terminé. Sauf que le monde extérieur contraint à évoluer. Les volumes changent, les services bougent, les attentes utilisateurs montent.

Chez Reflex, nous pensons que l’exploitation logistique s’ajuste sans cesse. La mise en place d’un WMS est alors un moyen pour améliorer et accompagner sa performance. Cette dernière se construit dans la durée avec la prise en main de l’outil, l’expérience et des réglages ad hoc.

Une solution mature permet de disposer d’une solution qui s’adapte aux exigences des opérations.

Certains clients choisissent de démarrer avec un standard, puis de le rechallenger dans un second temps. Ce décalage volontaire permet de mieux comprendre les usages, d’ajuster finement les flux et de prioriser les évolutions utiles.

Conseil : intégrer une logique d’amélioration continue dès le RUN pour challenger les processus et faire évoluer le ROI dans le temps.

« L’expression d’un besoin est biaisée par l’expérience. L’expérience peut nous aider à se projeter ou nous contraindre. Il est possible d’accepter de ne pas être à la cible au moment du démarrage. Démarrer avec du standard, c’est parfois le meilleur moyen pour challenger la réponse à ce besoin : adaptation du processus ou personnalisation.”, Florian Sauvage.

Shadow IT : un gisement de productivité à exploiter

Dans chaque entrepôt, il n’est pas rare de trouver un ou plusieurs fichiers Excel qui compensent un manque.

Derrière chaque déploiement, il y a des outils « hors radar » qui tournent depuis des années. Nous venons de mentionner Excel mais cela peut aussi être de l’Access, des macros, des fichiers partagés…

Ces outils font partie de ce que l’on appelle le Shadow IT. Ils répondent à des besoins souvent mieux et plus vite que les outils officiels.

Par manque de connaissance et afin de répondre rapidement à un besoin, une organisation (avant de devenir client Reflex) utilisait un fichier Excel pour extraire les commandes, appliquer des tris métiers, regrouper les priorités, puis lancer manuellement les vagues. Alors qu’une solution en standard existe. Cette pratique a fonctionné jusqu’au jour où elle a ralenti toute l’organisation.

Problème, cette solution était devenue critique et a engendré des processus dégradés :

  • Maintenance dépendante de collaborateurs en particulier ;
  • Doublons de données entre systèmes ;
  • Risque de perte ;
  • Processus non documentés.

La bonne approche n’est pas de tout supprimer au moment du déploiement du WMS. Il est plus efficace de les cartographier, d’estimer les coûts et d’arbitrer usage par usage. Certains processus peuvent être absorbés par le WMS, d’autres conservés dans l’ERP ou répartis dans des systèmes TMS, PIM, OMS…

Le Shadow IT repose souvent sur des règles simples, informelles mais bien maîtrisées. C’est un levier sous-estimé pour obtenir des gains rapides et durables.

Bonne pratique : se poser les bonnes questions et bien définir la responsabilité de chaque solution. Il peut être plus aisé d’implémenter une fonctionnalité dans le système qui ne doit pas porter cette responsabilité.

Conclusion

Un cadrage stratégique solide, une vision partagée sur le long terme et une capacité à industrialiser les pratiques terrain transforment un WMS en levier durable de performance. C’est particulièrement vrai pour le Shadow IT, souvent perçu comme une anomalie alors qu’il recèle une intelligence métier précieuse.

Un projet WMS ne se résume pas à son implémentation. Expression de besoin instable, alignement partiel entre IT-métiers-sales, choix de solution trop limité au démarrage, absence de pilotage post-projet… Ces écueils limitent mécaniquement le ROI, parfois de façon irréversible.

Un WMS n’est pas un projet isolé à un instant t, c’est un investissement structurant sur 10 à 15 ans. Le ROI se construit dans le temps :

  • Quick wins opérationnels les 6 premiers mois ;
  • Optimisation des processus entre 6 et 18 mois ;
  • Activation des vrais leviers stratégiques au-delà.

Derrière chaque projet WMS réussi, il y a une posture commune client-éditeur. Réussite ou échec se vivront ensemble. D’où l’importance d’avancer en partenaires, pas en silos.